fromjoy – fromjoy
Un disque chaotique, étrange, génial – et probablement mon AOTY (Album Of The Year signifie album de l'année)
1. fromjoy : le groupe, le son, le projet
fromjoy est un groupe de mathcore venu de Houston, Texas. Actif depuis 2021, ils ont émergé aux côtés d'autres groupes hardcore de la scène underground locale. Et autant dire qu’ils n’ont pas chômé : deux EPs (*the deafening sound of doubts* et *only here*) sortis en 2021, encadrant un LP déjà bien singulier, *it lingers*.
Comme tout bon groupe de mathcore, la recette de base semble simple… enfin, façon de parler. Parce que le mathcore, même “simple”, c’est déjà du chaos organisé. fromjoy joue vite, très vite. Le mixage est volontairement saturé, les guitares hurlent dans les aigus, la batterie ne respire jamais, et les voix ? Un véritable mur de bruit.
Mais leur univers ne s’arrête pas à la musique. Le groupe développe une identité visuelle ultra marquée, presque malsaine et cryptique. Des statues grecques partout. Une palette exclusivement bleue (du bleu électrique au bleu nuit). Et ce smiley étrange ":):" qu’on retrouve dans leurs visuels, mais aussi dans un titre : “it really hurts :):”. Bref, un mélange de creepypasta visuel et de mystère très bien dosé. Perturbant, mais accrocheur.
C’est justement ce mélange de brutalité et de bizarrerie qui m’a captivé. Et ce n’est pas tout : leur EP away, sorti en 2022, a totalement redéfini leur approche musicale. Moins metalcore, plus… autre chose.
Franchement ? Cet EP était composé à 70% de drum'n'bass, 15% de voix parlées trafiquées et réverbérées comme dans un rêve, et à peine 15% de mathcore/metalcore. Un vrai virage, presque expérimental, et pourtant ça fonctionne. Et ce qui est fou, c’est que ce n’était qu’un échauffement.
C’est en 2023, un peu par hasard, que je suis tombé sur leur album éponyme. Il était mieux noté que *Heavener* d’Invent Animate, que j’avais adoré. J’ai donc cliqué. Et là… choc. On va en parler.
2. Un album metalcore/mathcore solide… et complètement fou
L’album démarre exactement là où away s’était arrêté : avec ce que j’appellerais “le son de l’eau qui bout en 8-bits”. (Oui, c’est ultra spécifique, mais écoutez “accela” et vous verrez.)
Passée cette intro étrange, le chaos démarre. Tout explose. Pas une once de répit. “accela” te propulse littéralement en enfer – si l’enfer avait un son. L’album dure 26 minutes, mais il en paraît 60 tant il est dense, éprouvant, et bruyant dans le bon sens du terme.
Les transitions ? Presque absentes. Les trois premières pistes s’enchaînent sans pause. Pas de silence, pas de respiration. Le groupe t’empêche volontairement de te poser. Et c’est brillant.
Côté paroles, ça sent la critique sociopolitique à plein nez – liberté écrasée, surveillance, État policier. Bon, je suis pas analyste de textes, et je suis français, donc peut-être que je surinterprète… mais franchement, les thématiques transpirent à travers le chaos.
Techniquement ? C’est monstrueux. Allez voir la captation live du batteur sur “Icarus”. Écoutez le chanteur alterner scream, growl et chant clair comme si de rien n’était. Chaque morceau a sa propre absurdité bien à lui : “machine” et “morbidly perfect” balancent des breakdowns méchants, et “docility”… je vous laisse découvrir les pig squeals après un tempo break. Oui, oui.
Et non, ce n’est pas fini.
3. fromjoy va plus loin : le mélange des genres à son sommet
J’en parlais déjà plus tôt, mais ce LP est en fait la conclusion logique de leurs expérimentations précédentes. C’est l’explosion totale de leurs influences.
Dès “accela”, après l’ouverture brutale, on entend une partie disco/EDM, suivie d’un falsetto clair inattendu. Oui, dans un album de mathcore. Et pourtant… ça passe crème.
“Eros”, premier interlude, est une pure piste de breakcore/drum’n’bass. Fans de TURQUOISEDEATH, écoutez ça. “Seraph”, avec iRis.EXE en featuring, intègre aussi des passages DnB, mais surtout une vraie atmosphère grâce à sa voix très pop et planante. Et là encore, ça fonctionne parfaitement.
Mention spéciale pour “of the shapes of hearts and humans”, une piste qui, pour moi, pourrait être décrite comme du shoegaze-metalcore. Oui, j’invente des genres. Mais c’est ça aussi fromjoy : une nouvelle grammaire musicale.
Et puis il y a les cuivres. Oui, des cuivres. Dans “Helios”, interlude dansant et étrange, on a droit à une espèce de slow jazzy... mais avec des guitares qui hurlent. “Icarus” est l’apothéose : un morceau qui parle de liberté retrouvée, de chaînes brisées, et qui le traduit en musique avec du mathcore, de la drum’n’bass, puis un passage lent, presque lounge.
La métaphore d’Icare n’est pas là pour faire joli. Elle fait sens dans le texte comme dans la structure sonore. C’est aussi ambitieux que réussi.
4. Pourquoi c’est mon AOTY
*fromjoy* est un disque bordélique, étrange, bruyant… et totalement génial. Ce que j’adore dans le mathcore, c’est cette sensation d’instabilité permanente. Ici, c’est le cas – mais avec une maîtrise rare.
Le mélange des genres est poussé à l’extrême, mais jamais gratuit. Les transitions sont intelligentes, le chaos est organisé, et tout est tellement bien produit que, oui, on peut parler de chef-d'œuvre chaotique.
Mention spéciale pour l’ambiance générale, presque “cursed”, avec toutes ces voix étranges qui se baladent en fond, cette esthétique visuelle dérangeante, et ce refus absolu de se ranger dans une case.
Peut-être que dans quelques années, je le placerai dans mon top 10 de tous les temps. En tout cas, pour 2023, c’est simple : c’est mon album de l’année.
Évaluation des morceaux
- accela — 100/100
- morbidly perfect — 100/100
- docility — 100/100
- Eros — 100/100
- of the shapes of hearts and humans — 100/100
- machine — 100/100
- seraph — 100/100
- fromjoy — 100/100
- Helios — 100/100
- Icarus — 100/100